Céline, la modernité en héritage

Synonyme d’élégance effrontée et de féminité nonchalante, Céline puise ses codes dans une conception cérébrale de la mode que la marque a su décliné avec intelligence à travers les époques qu’elle a vu défiler. Portrait d’une maison qui transcende les tendances pour toujours mieux les façonner.

Tout commence en 1945, dans le Paris de l’après seconde Guerre Mondiale. Au 52 rue de Malte, ouvre alors une petite boutique de chaussures pour enfants sous l’impulsion de Céline Vipiana, alors jeune entrepreneuse de 25 ans, aux côtés de son mari Richard. Rapidement, cette petite entreprise se fait connaître et séduit la bourgeoise parisienne au point d’inaugurer de nouvelles adresses aux quatre coins de la capitale. Son emblème ? Un petit éléphant rouge, imaginé par Raymond Peynet, qui sera distribué aux enfants sous forme de miniatures à chaque acquisition d’une paire de souliers.

Mais dans les années 60, en pleine révolution stylistique et sociale, Céline Vipiana change de cap et se lance dans la création d’accessoires : des gants, des sacs made in Italy mais surtout des mocassins à talons plats qui feront le succès de la marque, à l’image des modèles Polo, Inca ou encore Bylbos.

En 1964, Céline se lance même dans la parfumerie en créant “Vent fou”, marquant les prémices de la diversification telle que la pratiquent aujourd’hui toutes les grandes maisons de luxe. Deux ans plus tard, le sulky américain devient l’emblème de la maison qui, avec sa première collection de prêt-à-porter “Couture Sportwear”, confirme ses velléités mode. Gilets en peau un brin gipsy, jupe-culottes effrontées, tailles basses audacieuses, blue jeans pastel et savants duos de jupes et de chemisiers en maille : avec seulement quelques pièces, le label redéfinit les contours de la silhouette parisienne et propulse un style bourgeois-bohème à l’aise dans son époque.

Un sens du flair modeux qui permettra à la marque de continuer sur sa lancée durant les deux prochaines décennies, adoptant nouveau logo – celui au double C – et ouvrant des boutiques à l’international.

En 1987, alors que sa fondatrice célèbre ses 67 ans, Bernard Arnault, alors en pleine conquête du luxe, rachète Céline et poursuit son expansion en Europe et en Asie avant de l’intégrer au groupe LVMH en 1996. Après diverses tentatives de modernisation, c’est surtout Michael Kors, alors jeune styliste, qui dès 1998 saura inscrire Céline dans la mode contemporaine et lui offrir cette identité minimale chic qui n’aura de cesse de la caractériser. Avec Boogie et Poney, it-bags aux ventes colossales, il initie une longue dynastie de sacs à mains iconiques aux lignes désirables.

Michael Kors au défilé printemps-été 2000 à Paris.

Dix ans plus tard, après les passages plus discrets de Roberto Menichetti (2004) et Ivana Omazic (2006), c’est au tour de Phoebe Philo de reprendre le flambeau. La britannique (qui aura fait ses armes auprès de Stella McCartney avant de lui succéder chez Chloé) insuffle dès son arrivée chez Céline une élégance cérébrale, pragmatique et raffinée, convoquant lignes intemporelles et basiques racés. Avec Phoebe Philo, le sophistiqué se fait (enfin) décontracté, le luxe discret, face à des tendances bling-bling ou porno-chic portées par ses concurrents transalpins. Céline devient synonyme d’un style minimal affirmé, acclamé à chaque défilé, et se double en parallèle de sacs aux déclinaisons addictives, à l’image du Classic, du Phantom ou du Luggage qui ne manqueront pas de doper de façon exponentielle les chiffres d’affaires de la maison durant toute la décennie.

Le sac Luggage de Céline.

Après des années de collaborations et plusieurs mois de rumeurs, en décembre 2018, le couperet tombe : Phoebe Philo quitte Céline et son poste de directrice artistique. Malgré de nombreuses spéculations, c’est finalement Hedi Slimane, designer controversé qui reprend les rênes des collections prêt-à-porter et qui annonce d’emblée vouloir créer une ligne homme, une ligne couture et une série de parfums.

Plus risqué encore, cet ancien de chez Saint Laurent s’autorise à retirer de façon arbitraire l’accent aigu du mythique logo. Du jamais vu chez Céline. Si son premier opus fait d’office l’objet de vives controverses, sa seconde collection finit par convaincre les fidèles amatrices de la marque qui retrouvent l’essence sixties de la maison, revue et corrigé sous un jour contemporain. La suite reste encore à écrire.

Source: Lire L’Article Complet